22 novembre 2005

Pourquoi faut-il combattre Clear Channel?
Clear Channel est une multinationale américaine implantée dans un grand nombre de secteurs en Belgique, sans que tout un chacun s'en rende forcément compte. A travers l'organisation de concerts (dont Rock Werchter, I Love Techno, et la plupart des concerts en salle), la représentation d'artistes (principalement étrangers), la publicité dans l'espace public (panneaux grands formats, bus, métro, trains, gares, mobilier urbain) et la billetterie de spectacles via le portail « Go for music ».
D'une radio locale de San Antonio (Texas) rachetée en 1972 pour une bouchée de pain, Clear Channel est devenu le premier groupe américain de radio : plus de 8 milliards d'euros de chiffre d'affaire. Il contrôle actuellement plus de 1200 radios, 36 chaînes de télévision et 700.000 panneaux publicitaires. En 2000, en rachetant SFX, le plus gros organisateur américain de concerts, il s'empare d'un réseau de salles et d'évènements. Clear Channel réunit à présent le management d'artistes, l'organisation de concerts, la radio (pour diffuser les artistes et promouvoir les concerts) et l'affichage (pour promouvoir les mêmes artistes et concerts). Belle synergie !
Le soutien à Bush Jr. et à sa politique « coloniale »

À la direction de Clear Channel, on trouve des proches de Georges W. Bush. Michael Powell (président de la FCC - Commission fédérale des communications), responsable des dernières dérégulations a permis à Clear Channel de racheter une bonne fournée de radios et télés, et n'est autre que le fils de Colin Powell (secrétaire d'État à la Défense US) ! C'est donc naturellement que cette société a mené campagne en faveur de la guerre : boycott des artistes pacifistes, mises en scène et organisation de manifestations pro-guerre (nommées « rallies pour l'Amérique »), falsifications. Clear Channel s'illustre par le contrôle impitoyable sur le contenu de ses radios, couvrant tout le territoire US. Elle a par exemple établi une "liste noire" des disques à ne plus diffuser après les attentats du 11 septembre (par exemple, l'ensemble des titres de Rage Against The Machine). Les pratiques de boycott s'exercent également pour des raisons purement commerciales.

Travailler avec Clear Channel est à double tranchant pour un artiste. Tant qu'il se plie à la pratique courante, et collabore entièrement au système, sa promotion est assurée (même s'il est exploité financièrement). S'il lui prend des envies d'aller voir ailleurs, c'est le boycott total.

En Belgique, elle détient déjà le monopole sur l'affichage grand format et gère toute la pub de tous les réseaux de transports publics du pays. Régissant également la publicité de certains magazines, elle modifie en profondeur leur contenu rédactionnel pour le mettre en phase avec le message des annonceurs. Cette situation lui donne un pouvoir considérable en matière de « conditionnement des esprits », en particulier auprès des jeunes, sa cible privilégiée. À partir de l'année 2001, Clear Channel s'attaque à la culture rock. Schueremans devient Directeur général de Clear Channel Entertainment Belgium, et des contrats en béton les lient tous à la maison mère. Le chiffre (secret) de rachat de ces différentes sociétés se situe entre 100 millions et 1 milliard de francs belges.
En parallèle, la société gère la billetterie des spectacles « Go for music » qu'elle organise (via un 0900 bien rémunérateur), ce qui lui permet au passage d'empocher les frais de réservation. Clear Channel s'occupe aussi du business juteux « Star Academy » et gère la carrière des candidats belges. Il ne manque plus que l'achat de radios pour compléter le tableau, mais des rumeurs circulent justement autour du rachat du réseau Radio Contact. Quoiqu'il en soit, cette situation leur permet déjà d'exercer diverses pressions, tant au niveau des artistes qu'au niveau des organisateurs (voir la lettre de Fabrice Lamproye de la Soundstation).

En tant qu'organisateur ET représentant d'artistes, elle étouffe en outre la concurrence (déjà bien affaiblie) en la privant d'artistes, préférant les garder pour elle (l'exemple le plus frappant étant sans doute le Beach Rock, maintenant en faillite).

Les bienfaits de la mondialisation

Le prix des places des concerts a augmenté de 20%. En 2002 les places à Forest National se vendaient entre 30 et 35 EUR, en 2003 on est passé à 45 EUR, avec des sommets à 125 EUR. En situation de quasi monopole : Clear Channel fixe elle-même le montant du ticket. L'autre refrain néolibéral, c'est celui de la prétendue liberté de choix du consommateur, et qui est également mis à mal. C'est le contraire qui se passe dans la réalité : uniformisation des programmations sur les radios FM, en moins de 6 ans, la variété de titres musicaux diffusé sur les principales radios a été réduite de près de 60% (Le Monde 7/11/2002), diminution du nombre d'artistes dans les catalogues des majors du disque, ignorance totale des artistes estimés comme insuffisamment rentables. Et dans le cas de Clear Channel, ce qui n'est pas rentable, c'est ce qui n'est pas dans son écurie.

Pour que de nouveaux talents s'affirment, il est nécessaire
qu'ils puissent jouer devant le plus grand nombre.
Or, il est quasiment impossible de faire assurer les premières
parties d'artistes internationaux par nos groupes wallons
par exemple, celles-ci étant par défaut attribuées à des artistes
de l'écurie Clear Channel. Cette recherche de profit maximum
étouffe ainsi la scène musicale locale.
La résistance
Des organisateurs et des associations tentent de résister à l'envahisseur, et de se passer de Clear Channel, mais dans quelles conditions. (Sound & Fury, la Soundstation, l'asbl Rhâââ Lovely Festival, l'asbl Bear Rock, etc.). Il faut reconnaître qu'il est quasiment impossible d'organiser un concert avec le moindre artiste un minimum connu sans tomber sur... Clear Channel. Pour lutter contre cette pieuvre, il faut informer les artistes et le public des dessous de la stratégie de ce groupe. Faites passer l'info autour de vous, sans retenue !

Il faut aussi appeler au boycott des concerts et festivals labellisés Clear Channel et soutenir les organisateurs et artistes indépendants ayant décidé de se passer des services de la multinationale. C'est aussi une résistance de longue haleine à mener contre l'agression publicitaire (un « lavage de cerveau » opéré dans notre espace public), dont cette firme est un des vecteurs principaux. D'autres pistes sont suivies comme le recours au Conseil de la Concurrence ou la création d'un label de qualité « CC-free ». Chacun de nous peut faire quelque chose à son niveau !
À lire aussi: Contestation de l'ordre médiatique américain et Dix maîtres pour les médias américains, deux articles du Monde Diplomatique.